Une belle analyse de Georges Apap
(lien) "Casse toi, pov’rom !"
"Nous
aurions aimé voir nommer des préfets humanistes, sachant s’entourer de
gens de culture et d’expérience, de professionnels de l’enseignement, de
travailleurs sociaux, d’experts en sciences humaines, de policiers
attentifs autant au respect de la loi qu’à celui des personnes, de
spécialistes de la jeunesse délinquante, les uns et les autres soucieux
de paix sociale.
Je
parle de nous qui voulions aider certaines populations injustement
traitées par des institutions hostiles et une opinion mal informée. Nous
voici détrompés. Dans une proclamation tonitruante du 21 juillet 2010
le Chef de l’Etat annonce la nomination de deux préfets à poigne, tous
deux grands policiers, avec la mission précise de chasser les Roms de
leurs campements illicites. La solution était évidente. La délinquance
est apparue dans notre pays avec l’arrivée récente de ces populations,
Roumains persécutés dans leur pays, ou anciens Yougoslaves devenus
apatrides. Ils ne peuvent être expulsés, les uns parce qu’ils sont
communautaires européens, les autre parce qu’apatrides.
Depuis
qu’ils sont parmi nous, les crimes et délits prolifèrent. On citera la
corruption qui règne dans les sphères gouvernementales, les fraudes
fiscales, les abus de biens sociaux, les évasions de capitaux, les
délits d’initiés, et plus généralement toutes ces malversations qui
épuisent les ressources du pays. Le Président a raison de les dénoncer à
la vindicte publique.
Le
remède devient évident. Il faut les chasser de camp en camp, de
bidonville en bidonville. Oui mais jusqu’où ? C’est là que se posera la
question d’une solution que d’autres ont appelée "finale". Encore un
tout petit degré à franchir dans le tragique…
Cependant
l’intégration de 15 000 roms dans un pays de 65 millions de citoyens
généreux nous paraissait chose aisée, de même, à une échelle plus
réduite, celle de 150 hommes et femmes dans une ville comme Béziers de
70 000 habitants accueillants, ne devait pas, pensions nous, poser de
graves problèmes d’ordre public. Quelle erreur était la nôtre ! Le Président nous montre la voie : "Casse toi pov’Rom" !
Béziers le 22 juillet 2010. Georges Apap, ancien procureur de la République."
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Mais la suite n'est pas de la même veine
Mais la suite n'est pas de la même veine
Vient alors un texte "poétique" évoquant les roms que "nous avons tous connus autrefois".. qui m'a a priori mise à l'aise d'instinct avant que je ne l'analyse : exhalant une condescendance bon enfant typique de la part de populations relativement bienveillantes voire dans le cas antiracistes militantes, il est insupportable, relatant a minima ce que les gitans pouvaient subir de leur part, y compris un "tour imbécile" qui ressemble fort à une tentative d'assassinat, sur le ton léger des mondanités après le café.. intéressant pour cela -en italiques, les passages en cause- et en raturé, mon analyse.
"Les Caraques" commentaire de texte, ce que disent les mots et surtout les silences
Note:
à la première lecture, cela ne m'était donc pas apparu, juste un léger malaise, car ce texte suivait celui de Georges Apap.. Des propos certes
un peu complaisants,d'un
intellectuel humaniste ayant voulu faire rapidement un papier,
plus tout jeune peut-être, qui soulignons le, suivent sa prise de position contre les expulsions ! C'est bien ce qui lui confère sa terrible portée. (En raturé, mes commentaires.) Je n'ai modifié que les noms des villages et des gens.
"Clé, comme toutes les communes du Midi, connaissait les gitans. Le mot que l’on employait pour les désigner était "Caraques".Aucune mention ici de l'extrême péjorativité du terme, pourtant par la suite cité dans une anecdote comme une insulte, ce qu'il est objectivement. Certains d’entre eux,
il me semble que c’était le cas des Stambul, avaient même une maison dans le village. Lorsqu'il s'agit de roms, c'est toujours : "il me semble"..."peut-être"... Quant à "Ils avaient même une maison", cela a l'air de supposer qu'il s'agît d'une incongruité. Rien de très très grave jusque là mais ça va monter en pression.
"Clé, comme toutes les communes du Midi, connaissait les gitans. Le mot que l’on employait pour les désigner était "Caraques".
Dans la rue du Moulin habitaient un frère et une sœur qui devaient
s’appeler Maurel. Lui parti, elle a continué à survivre là de manière
misérable, sans aucun confort. Elle ne devait avoir ni eau ni
électricité et sans doute pas de revenu. Cette maison, appelée la maison
de la gitane, a été récemment démolie de même qu’une remise voisine qui appartenait à Pierre Borie. Ainsi a été créée une petite place, baptisée la Place des platanes, que l'on a conservés.
Une autre personne du village, amie de ma mère, avait des antécédents chez les gens du voyage mais elle s’était mariée et sédentarisée. Elle savait réparer les poussettes et on la désignait sous le nom de La Poussetièra.. Le
terme d'"antécédents" est un terme judiciaire, surtout suivi de "mais", comme si le
"délit" avait été atténué par sa sédentarisation. Et on note ici que le terme employé est "gens du voyage" et non gitan (ce qui n'est pas identique) comme pour édulcorer un fait gênant (il s'agit d'une amie de la mère de l'auteur.) Et si "Pierre Borie" sonne
clair et net, pour ce qui est de celle "qui a des antécédents", c'est
"on la désignait" suivi d'un surnom, un peu ridicule, comme souvent ceux attribués aux roms.
Quelles étaient les activités des gitans ? Vanniers sans doute, commerçants aussi. On voyait surtout des femmes qui proposaient du fil, des aiguilles, du tissu, des fioles contenant un produit permettant de fabriquer du pastis. Quelques-uns achetaient et vendaient des chevaux. Il paraît même qu’ils savaient les maquiller... Certains, les Jolo je crois, s’étaient spécialisés dans le trafic des voitures.
A
cette époque il n’y avait pas d’aire d’accueil pour les forains
vanniers (oui encore une expression pour les désigner) et ils
stationnaient un peu partout, notamment à la sortie de Clé sur la route
de Malines. Aucune
mention de la difficulté de la situation qui est faite aux gitans
contraints d'aller où ils peuvent c'est à dire où personne ne veut
aller.
C’était encore le temps des roulottes tirées par des chevaux qui n’auraient pas remporté de prix à Longchamp ! Ils se nourrissaient comme ils pouvaient, broutant l’herbe des talus. Mon
père avait raconté le tour imbécile, il aurait pu être dramatique, que
les jeunes du village, lui-même y avait peut-être participé, avaient
joué à des gitans qui avaient mis leur roulotte dans une terrain en
pente : ils avaient enlevé les cales qui la maintenaient immobile ! La
misère, le dénuement des roms sont ici l'objet de plaisanteries cruelles ou au minimum d'une désinvolture sarcastique... Quant au
"tour imbécile" dont on ne saura rien des conséquences (!) c'est tout
simplement une tentative d'assassinat, éludée de manière plaisante [alors qu'on a tout appris sur
ces faits capitaux que sont la démolition de la grange de Pierre Borie et la création de la place des platanes]. Y avait-il quelqu'un dans la roulotte lorsque ces salauds ont enlevé les cales? Des enfants? Comment les victimes s'en sont-elles tirées? Motus.
L’été il arrivait que s’installait sous le pont qui enjambe la Cèze toute une tribu. Les enfants étaient dépenaillés, les femmes vêtues de noir, les hommes pas très présents… C’était un spectacle car nous étions au contact direct depuis le pont avec eux et leur intimité. J’ai le souvenir précis d’une corneille ou d’un corbeau qui avait été élevée par ces gens et qui circulait librement parmi eux sans chercher à fuir. Là,
même si
l'histoire de la corneille vient enjoliver l'anecdote, c'est carrément un "spectacle" que les roms offrent malgré eux à des
gamins qui lorgnent des hommes et surtout des femmes contraintes de dévoiler leur "intimité". Le texte devient encore plus pénible, l'auteur, tout à la joie de ses souvenirs d'enfance, se lâche, les clichés déboulent, les enfants dépenaillés, la tribu, les femmes. Aucune analyse des causes de ces "vêtements" loqueteux, éventuellement de la saison, des intempéries, de l'état de santé de ceux/celles qui sont insuffisamment couverts, de ce qu'elles pouvaient ressentir de se savoir observées sans pouvoir se protéger.. "Ces gens"
renforce le fossé dont tout le texte est empreint entre "on", "nous" et
"eux"; la connivence est exaspérante, l'auteur écrit pour "nous" c'est à dire forcément des non roms, à "leur" propos, comme les "objets" qu'ils sont... Des "gens" certes sympathiques (la corneille) et distrayants (!) que
les jours d'ennui l'on peut "venir voir", plus exactement
mater car il y a gros à parier que ce n'était pas la corneille qui
intéressait le plus des ado. Aucune empathie, ils sont juste les "autres" qui "nous" divertissent. [Note: ce qui me fut le plus pénible en internat (et dit-on en prison) fut de n'avoir aucune intimité, aucun lieu où être seule (même pas à la douche, collective) sauf aux toilettes où je faisais des séjours extrêmes pour me "ressourcer" (!)] Que dire de celles qui sont contraint/es de camper sous un pont où des garnements les matent à toute heure en toute légalité? Offertes en pâture est le mot qui convient. Se laver devait obligatoirement se faire à la rivière, on peut douter qu'elles aient eu l'eau courante, ou étant donné les regards, à l'intérieur d'où probablement des transports épuisants de seaux hiver comme été. Avec plusieurs enfants, imaginons la fatigue!
Des
gens peu intégrés, vivant d’une manière marginale et comme tels un peu
inquiétants ! C’est du moins l’image que j’en avais mais à la réflexion
c’était d’abord une population considérée comme au bas de l’échelle
sociale. Et d’ailleurs un ouvrier agricole posait cette question à ses
enfants en parlant de ses patrons qui lui procuraient emploi et revenu :
"Qu’est-ce que nous serions si ce n’étaient pas eux ?" A quoi les
enfants devaient répondre " Des Caraques !" Notons
ici le "à la réflexion" comme s'il avait fallu une réflexion pour
percevoir l'évidence, apparemment tardive. Et soulignons que c'est un
intellectuel humaniste écolo qui écrit, un instit je crois (!).. et qu'apparemment personne n'a jugé bon de reprendre l'ouvrier agricole tenant de tels propos à ses enfants, erronés à deux titres.
On les considérait comme chapardeurs, ce qui n’était sans doute pas tout à fait inexact. D’ailleurs un des Stambul, assez copain avec mon père, lui avait livré cette phrase qui avait valeur de quasi aveu : "Nous ne volons rien à personne mais le premier fruit est pour nous !" On
glisse ici du "on dit" à une salve de circonlocutions perverses en
double négation : "pas tout à fait inexact", "presque" preuve, "quasi"
aveu (interprétation d'une phrase banale qui ne signifie nullement la
reconnaissance de quoique ce soit, les gitans, proches de la nature par la force des choses, vivant beaucoup de cueillette). C'est dit, ils sont chapardeurs et arnaqueurs (les chevaux), du reste ils le reconnaissent eux-mêmes, mais ce n'est pas grave, ça n'empêche que l'on soit "assez" copain avec certains.. (!) "Copain", non bien sûr, mais "assez", c'est bien suffisant. Quid de la mère de l'auteur "amie" avec une gitane? Mais relisez, ce n'était qu'une femme ayant des "antécédents" et encore parmi les "gens du voyage", blanchie par son mariage et sa sédentarisation, ce qui change tout, ça fait même style, (on n'est pas racistes) etc..
Maintenant, transposons le texte...
avec le mot juif et les épithètes à leur encontre
avec le mot juif et les épithètes à leur encontre
"Clé, comme toutes les communes du Midi, connaissait les juifs errants. Le mot que l’on employait pour les désigner était "youpins". Certains d’entre eux, il me semble que c’était le cas des Stambul, avaient même une maison dans le village. Dans la rue du Moulin habitaient un frère et une sœur qui devaient
s’appeler Levy. Lui parti, elle a continué à survivre là de manière
misérable, sans aucun confort. Elle ne devait avoir ni eau ni
électricité et sans doute pas de revenu. Cette maison, appelée la maison
de la juive, a été récemment démolie de même qu’une remise voisine qui appartenait à Pierre Borie. Ainsi a été créée une petite place, baptisée la Place des platanes, que l'on a conservés.
Une autre personne du village, amie de ma mère, avait des antécédents chez les hébreux mais elle s’était mariée et sédentarisée. Elle savait réparer les poussettes et on la désignait sous le nom de La Poussetièra.. Quelles étaient les activités des juifs ? Vanniers sans doute, commerçants aussi. On voyait surtout des femmes qui proposaient du fil, des aiguilles, du tissu, des fioles contenant un produit permettant de fabriquer du pastis. Quelques-uns achetaient et vendaient des chevaux. Il paraît même qu’ils savaient les maquiller. Certains, les Jolo je crois, s’étaient spécialisés dans le trafic des voitures.
A cette époque il n’y avait pas d’aire d’accueil pour les forains israélites (oui encore une expression pour les désigner) et ils stationnaient un peu partout, notamment à la sortie de Clé sur la route de Malines. C’était encore le temps des roulottes tirées par des chevaux qui n’auraient pas remporté de prix à Longchamp ! Ils se nourrissaient comme ils pouvaient, broutant l’herbe des talus. Mon père avait raconté le tour imbécile, il aurait pu être dramatique, que les jeunes du village, lui-même y avait peut-être participé, avaient joué à des juifs qui avaient mis leur roulotte dans une terrain en pente : ils avaient enlevé les cales qui la maintenaient immobile !
L’été il arrivait que s’installait sous le pont qui enjambe la Cèze toute une tribu. Les enfants étaient dépenaillés, les femmes vêtues de noir, les hommes pas très présents… C’était un spectacle car nous étions au contact direct depuis le pont avec eux et leur intimité. J’ai le souvenir précis d’une corneille ou d’un corbeau qui avait été élevée par ces gens et qui circulait librement parmi eux sans chercher à fuir. Des gens peu intégrés, vivant d’une manière marginale et comme tels un peu inquiétants ! On les considérait comme chapardeurs, ce qui n’était sans doute pas tout à fait inexact. D’ailleurs un des Stambul, assez copain avec mon père, lui avait livré cette phrase qui avait valeur de quasi aveu : "Nous ne volons rien à personne mais le premier fruit est pour nous !"
Une autre personne du village, amie de ma mère, avait des antécédents chez les hébreux mais elle s’était mariée et sédentarisée. Elle savait réparer les poussettes et on la désignait sous le nom de La Poussetièra.. Quelles étaient les activités des juifs ? Vanniers sans doute, commerçants aussi. On voyait surtout des femmes qui proposaient du fil, des aiguilles, du tissu, des fioles contenant un produit permettant de fabriquer du pastis. Quelques-uns achetaient et vendaient des chevaux. Il paraît même qu’ils savaient les maquiller. Certains, les Jolo je crois, s’étaient spécialisés dans le trafic des voitures.
A cette époque il n’y avait pas d’aire d’accueil pour les forains israélites (oui encore une expression pour les désigner) et ils stationnaient un peu partout, notamment à la sortie de Clé sur la route de Malines. C’était encore le temps des roulottes tirées par des chevaux qui n’auraient pas remporté de prix à Longchamp ! Ils se nourrissaient comme ils pouvaient, broutant l’herbe des talus. Mon père avait raconté le tour imbécile, il aurait pu être dramatique, que les jeunes du village, lui-même y avait peut-être participé, avaient joué à des juifs qui avaient mis leur roulotte dans une terrain en pente : ils avaient enlevé les cales qui la maintenaient immobile !
L’été il arrivait que s’installait sous le pont qui enjambe la Cèze toute une tribu. Les enfants étaient dépenaillés, les femmes vêtues de noir, les hommes pas très présents… C’était un spectacle car nous étions au contact direct depuis le pont avec eux et leur intimité. J’ai le souvenir précis d’une corneille ou d’un corbeau qui avait été élevée par ces gens et qui circulait librement parmi eux sans chercher à fuir. Des gens peu intégrés, vivant d’une manière marginale et comme tels un peu inquiétants ! On les considérait comme chapardeurs, ce qui n’était sans doute pas tout à fait inexact. D’ailleurs un des Stambul, assez copain avec mon père, lui avait livré cette phrase qui avait valeur de quasi aveu : "Nous ne volons rien à personne mais le premier fruit est pour nous !"
Impressionnant, isn'it ? Le MRAP et la LICRA, suivis par la LDH attaqueraient aussitôt. Antisémitisme. Le mot "antiromisme" n'existe même pas.
Note : ces propos sur les juifs qui semblent controuvés étaient réellement tenus à l'encontre de ceux d'Espagne et d'Angleterre fuyant les pogroms du 15ème siècle*.
"Sales, pouilleux, voleurs, avec de trop nombreuses familles, vivant de
trafics ou de charité sociale..." Quelque temps après, intégrés, leurs enfants ayant fait de bonnes études, on leur
reprocha de s'être accaparés les meilleures places, spoliant les "vrais"
autochtones etc... ("Histoire de l'antisémitisme" Léon Poliakov)
*
Accueillis pourtant avec bienveillance par le roi Casimir III désireux
de relancer l'économie du pays, tout comme Sigismond 1er de Bohême peu
avant accueillit les roms, autre similitude.
Le juif errant, cordonnier dans le mythe
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