L’esclavage en Valachie et Moldavie (deux principautés qui forment l'actuelle Roumanie.)
Donc partis d’Inde entre l’an 800 et 950, les Roms arrivent dans le sud-est de l’Europe dans le dernier quart du 13ème siècle. Arrivés libres dans la principauté de Valachie, ils apportent avec eux des savoirs-faire artisanaux (en particulier dans le travail du fer) d’Inde et de l’Europe byzantine, une bénédiction pour les seigneurs valaches et moldaves qui ont besoin d’une force de travail. Une malédiction pour eux.
Forgeron rrom |
lIs
sont -d’abord en dehors de toute base légale- réduits en esclavage. Des
mesures de plus en plus sévères sont prises pour les obliger à rester
-car ils tentent de fuir vers l’Allemagne ou la Pologne, où à cause de
leur teint mat, on les considère comme "musulmans". Notons que si la
proportion de roms en Roumanie est importante -ce qui a encore accentué
la confusion entre "rom" et "roumain"- c'est parce qu'ils y furent
esclaves 6 siècles ! Il est pathétique qu'ils soient confondus avec le pays qui s'est montré tel envers eux et il faudrait peut-être écrire "rrom" -comme il s'écrit normalement- avec deux "r" afin d'atténuer la malencontreuse euphonie.
Sur l'esclavage (lien)
Devant les cruautés qu’on leur infligeait, ils sont partis se cacher vers les montagnes des Carpates, où ils sont retombés entre les mains des esclavagistes. La première trace écrite de cet esclavage date du règne de Rudolf IV en 1331-1355, où ils sont décrits comme étant la propriété de monastères et de propriétaires terriens.
Mais ce n’est que sous le règne de Basile le Loup de Moldavie (1634-1654) qu’est instituée une loi en quarante points codifiant leur "statut" d'esclaves, le terme roumain tsigan devenant synonyme.
Sur l'esclavage (lien)
Devant les cruautés qu’on leur infligeait, ils sont partis se cacher vers les montagnes des Carpates, où ils sont retombés entre les mains des esclavagistes. La première trace écrite de cet esclavage date du règne de Rudolf IV en 1331-1355, où ils sont décrits comme étant la propriété de monastères et de propriétaires terriens.
Basile Lupu, -l'"Ataturk" roumain- législateur et unificateur qui imposa contre le grec, le roumain comme langue
Mais ce n’est que sous le règne de Basile le Loup de Moldavie (1634-1654) qu’est instituée une loi en quarante points codifiant leur "statut" d'esclaves, le terme roumain tsigan devenant synonyme.
Comme les noirs d'Amérique, ils sont alors divisés en tsigani des champs, et tsigani de maison, ces derniers se subdivisant en sclavi domnesti, les esclaves des nobles, sclavi curte, esclaves de la cour, sclavi monastivesti,
esclaves de l’Eglise etc... et soumis à différents travaux, laboureurs,
chercheurs d’or, forgerons, serviteurs, cuisiniers, montreurs d’ours ou
musiciens. Il est à noter que, si certains Roms étaient utilisés comme
musiciens, il était interdit aux autres de posséder des instruments de
musique! Il leur était toutefois possible de se racheter -ou de faire en
sorte qu'on les rachète- : de là peut-être la coutume de porter leur
"fortune" sur eux -bijoux en or-, un moyen de signifier leur
solvabilité.
Le passage de la Moldavie et de la Valachie sous administration turque au 16ème siècle avec une autonomie relative d'abord puis sous domination directe au 18ème ne change pas grand chose pour les esclaves romani.
Au 19ème, le code de Basile le Loup est oublié mais en 1818, le code pénal de Valachie arrête: "les
tsiganes naissent esclaves, tout enfant né d’une mère esclave est
esclave, tout propriétaire a le droit de vendre ou de donner ses
esclaves, tout tsigane sans propriétaire est la propriété du Prince.." Celui de Moldavie de 1833 précise: "des
mariages légaux ne peuvent avoir lieu entre des personnes libres et des
esclaves. Les mariages entre esclaves ne peuvent avoir lieu sans le
consentement de leurs propriétaires. Le prix d’un esclave doit être fixé
par le tribunal, selon son age, sa condition et sa profession." Les roms sont donc vendus et achetés à des foires aux esclaves, le prix, au 19ème
étant généralement d’une pièce d’or par kilo, sans égard pour les liens
familiaux malgré une loi de 1757 qui interdit de vendre les enfants
séparément de leurs parents, le plus souvent "par lot ".
Photo de Eric Roset, que je remercie ici |
Mihaïl Kogalniceanu, tsiganologue et homme politique roumain du 19ème siècle écrit: "Quand j’étais jeune, je voyais dans les rues de Iassy des êtres humains aux mains et pieds enchaînés, certains même portant des anneaux de fer autour du cou et de la tête. Des peines cruelles de fouet, de privation de nourriture, d’enfumage, de maintien nus dans la neige ou dans la rivière gelée, tels étaient les traitements infligés aux Gitans. La sainteté de leurs mariages et de leurs liens familiaux n’étaient pas respectés. On arrachait la femme à son mari, la fille était séparée de force de sa mère, on arrachait les enfants des bras de leurs parents, on les séparait et on les vendait aux quatre coins de la Roumanie. Ni les hommes, ni les lois n’avaient pitié de ces malheureux."
Les
"mariages" entre roms sont le plus souvent arrangés pour de simples
questions de reproduction, un prêtre officialisant l’union avant qu’on
les force. Si le code de Basile le Loup prévoit que " un tsigane qui
viole une blanche doit être brûlé vif ", les propriétaires ne se gênent
pas pour violer des esclaves, si bien qu’au 19ème
siècle, Félix Colson note que de nombreux esclaves roms sont blonds. En
visite chez un baron roumain, il écrit dans ses mémoires que "la misère se lit tellement sur leurs corps qu’à les regarder, on risque de perdre l’appétit".
Il est à noter que si la loi n’autorisait pas un baron à tuer son
esclave, cette pratique était néanmoins courante (la loi n’interdisant
pas les châtiments corporels qui pouvaient se terminer par la mort).
La révolte des Netoci. Vers la Desrrobireja (émancipation)?
Dans les Carpates, des Roms affranchis ou évadés, parfois liés aussi à des gadjé, ont formé des communautés semi-nomades, les Netoci. Considérés par l’idéologie dominante comme "les plus dépravés" des Roms, accusés de cannibalisme, ils sont vus comme des héros par le peuple romani et lorsque au début du 19ème, les barons tentent de les réduire à nouveau en esclavage, les Netoci se lancent dans une guerre de guérilla qui ne cessera qu’avec son abolition définitive.
De nombreux soulèvements d’esclaves contre leurs propriétaires ont
également eu lieu. (Voir le livre de Mattéo Maximoff, "Le prix de la
liberté.")
Dans la société roumaine, des voix se font entendre plus fort : "Les
européens fondent des sociétés pour l’abolition (...) en Amérique alors
que sur leur propre continent 400.000 tsiganes sont maintenus en
esclavage" (Mihaïl Kogalniceanu, 1837.) D'autre part, le passage du mode de production féodal au capitalisme mécanisé
rend l’esclavage moins utile. Des propriétaires terriens et l’Eglise
commencent à les affranchir, en 1844 pour l’Eglise Moldave, 1847 par
l’Eglise Valache.
La révolution roumaine de 1848
La révolution démocratique-bourgeoise menée contre l’empire ottoman par les "bonjouristes", des patriotes radicaux de culture française proclame que "le peuple roumain rejette la pratique inhumaine et barbare de la possession d’esclaves et annonce leur libération immédiate". Mais, en 1849, les forces turques au sud et russes au nord réoccupant le réintroduisent et les barons récupèrent leurs anciens esclaves. Cependant la lutte pour l’abolition continue et il devient enfin illégal le 23 décembre 1855 en Moldavie et le 8 février 1856 en Valachie.
En
1856, c'est la naissance de la Roumanie , non encore indépendante
(traité de Paris) dont le prince Ioan Alexandru Couza sera à la tête: il
l'abolit définitivement en 1864 sous l'impulsion de Mihaïl
Kogalniceanu, ainsi que le servage. Celui-ci prévoit une réforme agraire
qui devrait profiter aux serfs et esclaves libérés mais en février 1866 les
fractions les plus réactionnaires et les barons donnent le pouvoir au
roi Charles 1er de Hohenzollern. De plus, malgré l’autonomie, la
Roumanie reste très dépendante de l’empire ottoman et de ses structures
féodales.
Le prix de la liberté
Libérés
de l’esclavage, les Roms continuent de vivre dans des conditions
dramatiques parfois pires. Nombreux fuient le pays, craignant un retour
de bâton, d’abord dans les pays voisins, puis jusqu’en Scandinavie ou
en Europe de l’Ouest, voire en Amérique. Les autres restent le plus
souvent dans les villages où ils vivaient. Leur misère est effroyable :
habillés de guenilles, soumis à la faim.... La
liberté leur offre un statut guère plus enviable que celui d'esclave.
Un esclave représente une valeur marchande, pas un homme libre : en
plus du dénuement, ils doivent subir les... meurtres.
C’est ainsi que deux voyageurs américains, au début du 20ème siècle, racontent qu'alors qu’ils offraient du chocolat à deux petits mendiants roms, les deux enfants se sauvent en criant "Moarte! Moarte !" (Mort !). En effet, à de nombreuses reprises après leur "émancipation ", ils se sont vus offrir de la nourriture empoisonnée, un moyen utilisé pour se débarrasser d’eux, si bien qu’une des premières leçons qu’apprennent les enfants à cette époque est de ne jamais accepter de nourriture d’un étranger.
C’est ainsi que deux voyageurs américains, au début du 20ème siècle, racontent qu'alors qu’ils offraient du chocolat à deux petits mendiants roms, les deux enfants se sauvent en criant "Moarte! Moarte !" (Mort !). En effet, à de nombreuses reprises après leur "émancipation ", ils se sont vus offrir de la nourriture empoisonnée, un moyen utilisé pour se débarrasser d’eux, si bien qu’une des premières leçons qu’apprennent les enfants à cette époque est de ne jamais accepter de nourriture d’un étranger.
A partir de la fin du 19ème, des Roms, essentiellement ceux qui ont réussi à faire des études, commencent à s’organiser pour exiger l’égalité.
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