Et rien n'a changé pourtant, à en juger par ce que l'on entend et voit actuellement..

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dimanche 7 octobre 2012

(2) Bronislava Wajs, des histoires romanesques à l'infini : serions-nous tous issus de roms ? Un exemple paradoxal : les Sarközy et alliés

Des histoires romanesques courent tout au long de cette recherche. Beaucoup à l'âge adulte subodorent leur romité sans jamais l'avoir sue enfant.. ou au contraire la cachent. Des jeunes auraient été enlevés à des familles roms et "adoptés" puis auraient perdu leur trace, volontairement ou non. Plusieurs sites émouvants dont les auteurs écrivent à mi-mot leur histoire interpellent, notamment celui de Taioulana, (lien) artiste alsacienne rom, apparemment élevée loin des siens après un drame que l'on devine. Un cas parmi d'autres, comme Romane qui elle aussi, s'interroge ou Bernard qui a appris à 65 ans qu'il a été enlevé à sa -très jeune- mère rom par son père descendant d'une famille historiquement connue. Serions-nous tous roms sans le savoir? Aurions-nous tous un ou des ancêtres roms? Quoi de plus facile en effet comme le montre la "tradition" de l'esclavage en Roumanie que de prendre un enfant à une famille sans défense et l'élever sans jamais lui révéler son origine?  En Roumanie, il arrivait aussi que des esclaves fussent sciemment utilisés comme géniteurs ou mère "porteuses" par des couples stériles. Et aussi, quoi de plus tentant pour un/e rom de quitter les siens en les "oubliant" à jamais, surtout en cas d'amour partagé avec un/e gadjé? Et quoi de plus banal d'exclure celui qui a "déchu" et qui n'aura ensuite d'autre choix que de se fondre dans la masse et tout "oublier"? 


C'est le cas de Bronislava Wajs (1908/1987) poétesse rom qui fut bannie par les siens pour avoir "violé" le tabou de l'écriture  -dit-on-:  elle écrivit et publia, avec pendant un temps un grand succès mais mourut isolée et à présent est quasi inconnue. Une interrogation : quid de ce tabou de l'écrit pour un peuple apparemment (?) issu de castes qui au contraire l'érigeaient en valeur absolue? Pourquoi une tradition strictement orale ? Même les partitions musicales, les chants... -le cas de Django Reinhardt est une exception- doivent être écrits. L'exclusion de Bronislava cache-t-elle d'autres raisons peu avouables pour ceux qui l'exclurent? les roms ne sont pas exempts de machisme et une jeune et jolie femme qui s'installe en ville et devient célèbre n'a peut-être pas suscité que de l'admiration chez les patriarches. Cf le livre de Colum Mc Cann, "Zoli" donc voici un extrait.


Zoli silencieux ou poète gitan
"Bronislava Wajs dite Papusza -poupée-, polonaise, a vécu dans une cabane abandonnée en Silésie où elle est morte en 1986. Symbole de sa communauté, sa vie commence par un drame. Sa famille, despotique comprenait six filles dont la vie était rude, obéissance, travail et mariages de convenances. En 43, c'est la guerre : la garde Hlinka entraîne les Roms du village sur la glace et garde le lac en armes pour les forcer à y demeurer.. Puis ils allument des feux sur les berges qui cèdent petit à petit. Désespérément, au fur et à mesure, ils se réfugient de plus en plus loin vers le centre mais celui-ci se fissure à son tour et tous s'enfoncent inexorablement et se noient -sauf Papusza et son grand père, lecteur de Marx en cachette, absents ce jour-à.- Celui-ci la prendra en charge, l'enverra à l'école malgré la tradition et elle deviendra chanteuse compositrice, un statut privilégié parmi les Roms... mais paradoxalement relativement mal considéré en même temps*. 

Quand la guerre se termine, elle rencontre Stephan Swann, écrivain à demi slovaque exilé et le poète communiste Martin Stránský qui la publie ''afin d'instruire les ouvriers''.... ''Imaginez si nous pouvions nous élever'' est le titre de l'un de ses recueils... Papusza, c'est la voix de la poussière qui séduit immédiatement. Swann, jaloux, la quitte, il la voit comme un animal de compagnie exotique et son talent exceptionnel lui fait de l'ombre. Elle vole de ses propres ailes à présent et très vite, est célébrée dans toute la République slovaque, ses poèmes, récités à la radio en boucle. Les Roms sont surpris de la ferveur des gadjés et au début, fiers; elle les porte, montre qu'ils peuvent réussir dans le monde hostile qui est leur depuis toujours, par leur talent. Grâce et à travers elle, ils existent un peu. Une icône.
En réalité, c'est pour contraindre les siens [dont les réticences à être ''libérés" de leur "primitivisme'', parqués dans des préfabriqués, voir leurs chevaux volés ou tués et leurs voitures brûlées.. doivent céder].. que le pouvoir communiste a suscité une artiste de talent. Dans la bonne tradition colonialiste, l'exploitation et le mépris se parant de l'habit de la compassion et de la "civilisation", elle sera pour eux un modèle, un nègre blanc. De ce qui leur est infligé, les victimes doivent être reconnaissantes et si possible le choisir elles-mêmes. Pour cela, il faut un "coin": c'est l'acculturation, qui précède toujours les génocides. "Une fois qu'ils vous ferment la lune, ils [les "gadjés"] vous harcèlent pour que vous leur en soyez reconnaissants'' dit Bronislava dans une lettre à sa fille. C'est alors qu'elle est rejetée par les siens pour trahison. Elle jure qu'elle n'écrira plus jamais, qu'elle va brûler tous ses poèmes, détruire les enregistrements de ses chansons et disparait dans les bois. On ne parlera plus jamais d'elle. "Avec des larmes et du sucre, ils nous font avaler tous les mensonges et suscitent des drames sous couvert de les éviter par compassion''... "sous le rire, la souffrance couve, à l'intérieur de nos veines.'' Une histoire de persécution, de fatum dont aucun rom ne peut tout à fait se libérer, traduite du tchèque et reprise par l'écrivain irlandais. Suite de l'article ici (lien).

*Tel celui des comédiens [même chez les non roms], excommuniés quelle que soit leur célébrité, par exemple Adrienne Lecouvreur, morte à 28 ans en pleine gloire et jetée furtivement de nuit avec de la chaux vive (!) dans un lieu inconnu -un chantier?- des bords de Seine.

La famille Sarkozy à présent, un archétype (lien.)


 

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